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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 12:17

1963

Frustrée de n'avoir jamais joué Célimène. Moi, c'était Rosine, Toinette, Angélique, Agnès; les soubrettes, oui, oui. Terrorisée par la Directrice, Mademoiselle Lehot, femme grande et sèche. Pas de chance avec Robert Manuel, que je nommais "le MAC"; je n'étais pas son profil, il aimait les grandes asperges...

Souvenir de René Dupuy, j'aimais son regard rieur et charmeur avec moi. J'estimais Jean Meyer, mais ses grandes dents m'effrayaient. De la sympathie pour monsieur Gournay (Secrétaire général) Monsieur Gabriel (Intendant): sans commentaire, une minute de retard : c'était l'horreur !
C'est Jean Renoir, ce Maître, le voisin et locataire de la meilleure amie de papa et maman, Maryvonne Prévost de l'avenue Frochot, qui me le fit connaitre. J'auditionnais à15 ans devant lui avec Andromaque, pas du tout mon emploi. Au bout d'1h30 en sa compagnie, il me dit: "Tu as la chance d'être douée, travaille, travaille, inscris toi chez Escande pour préparer ton entrée au centre. Ce que je fis.
J'aimais Lyne Chardonnet, Jean-Pierre Lamy, Ambroise M'Bia, Christine Laurent, ma France Roy, le poupon Maurice Risch, et Dominique Leverd; amoureuse de lui...

Dany Weil

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 12:15

Je suis entré au Centre d’Art Dramatique de la rue Blanche à l’automne 1963 après avoir travaillé un an à la « Communauté théâtrale » de Raymond Rouleau et Yves Brainville (excellents professeurs au demeurant !)

Tous les personnages pittoresques de la rue Blanche ont déjà été écrits par d’autres et je n’y reviendrai pas.

Mais c’est sûr que cette époque de formation où on faisait du théâtre de 10 h du matin à 17 h (plus les extras qu’on pouvait faire le soir) fut une grande période créative et un grand plaisir.

Il est vrai qu’après l’annonce des « reçus » Melle Lehot nous disait : « On vous a accepté non pas parce que vous étiez les meilleurs mais parce que vous étiez les moins mauvais » ! Quel accueil !

J’ai été distribué dans la classe de Jacques Henri Duval qui était grand comme moi et qui m’a appris, du coup, à ne pas trop gesticuler en scène. C’était un bon comédien mais il est parti trop tôt…

Cependant dès la 2è année je demande à entrer au cours renommé d’Henri Rollan. Dans tout ce que je viens de lire comme témoignages sur ce grand comédien les avis sont unanimes : l’excellence ! Certes il ne me convenait guère car lui, était plutôt petit et faisait de grands gestes (alors que Duval m’avait appris à en faire peu) mais la culture de Rollan, son humanisme et son immense amour de la langue française nous fascinaient tous. Sa diction était unique et on la reconnaissait entre mille. (Son écriture aussi d’ailleurs – un peu à la Erik Satie…)

Ses cours se passaient ainsi : « Bon ! ben qui passe ? » commençait-il.

Un ou une volontaire se levait, suivaient deux ou trois répliques rapidement interrompues par H. Rollan. Alors il parlait, il parlait, du personnage, de l’auteur, du style, des expériences personnelles, des souvenirs, il établissait beaucoup de correspondances avec la musique, il nous faisait souvent rire. Ca pouvait durer 30 ou 40 minutes. Puis ensuite il s’arrêtait et disait : « Bon, ben, maintenant vas-y ! » Et il est vrai que la scène changeait !

Je veux signaler aussi qu’un coffret souvenir, après sa mort a été réalisé par Jean Périmony. Bien sûr ce sont des disques vinyles, (comme on dit maintenant) et il y avait une belle iconographie et je joins ici en PJ l’une de ses plus belles photos de cette époque. Nous avions 20 ans et nous ne rendions pas compte combien il était déjà âgé (il était né en 1888 !) et très malade. Bien sûr nous allions régulièrement l’entendre dans son grand rôle de l’époque « le Cardinal d’Espagne » à « l’usine nationale » comme il appelait alors « le Théâtre Français ».

Je possède encore un enregistrement d’un de ces cours : (la 1è scène de l’Amour et du hasard – Néron et Junie – le médecin malgré lui et lui-même dans un extrait du Cardinal Cisneros). C’est sur K7 mais tout à fait audible. Quelle émotion quand je l’écoute : c’est vraiment la voix d’outre-tombe !

On peut dire – et on le ressent nettement dans les témoignages déjà écrits – que les élèves « qui ont eu « Rollan comme professeur en ont été marqués à vie. C’est comme une filiation que nous avons reçue, une filiation de la bonne diction française de « l’art de bien dire » selon ses propres termes. Il était très respecté (mais assez coléreux aussi) et je me considère personnellement comme possesseur d’un héritage de l’art de bien dire que je tâche encore actuellement de communiquer.

J’avais aussi comme professeur d’ensemble Jean Meyer – qui m’avait « à la bonne » étant aussi grand que lui – et qui m’a fait comprendre bien des choses sur Molière (dont il était spécialiste) sur l’art de dire et de jouer Molière, dans un certain mouvement, sans trop s’attarder sur des subtilités et tout cela donnait du dynamisme et du rythme à la scène. Bien sûr il connaissait les différentes éditions de Molière, les bonnes et les moins bonnes et nous en instruisait.

Je n’ai jamais compris qu’on ait donné le cours de diction et de poésie à Robert Manuel qui convenait plus pour faire travailler la comédie.

Bien sûr j’ai été aussi distribué dans plusieurs spectacles montés par René Dupuy et par Jean Meyer lui-même.

Je parle dans mon site (bernardcousin.com) des conditions d’entrée bien plus difficiles que maintenant puisqu’on n’entrait qu’en simple auditeur (sans couverture sociale !) et ce n’était qu’au bout d’un an, après un examen, qu’on avait véritablement le statut d’étudiant ! Les élèves comédiens d’aujourd’hui ont bien de la chance !

Bien que beaucoup décrivent une ambiance bon enfant et cordiale la discipline de la rue Blanche était cependant très scolaire et assez stricte ! Il y avait un « surveillant général » et des punitions (par exemple recopier en entier un classique). Ca paraît incroyable de nos jours ! Il y avait aussi l’appel de tous les élèves deux fois par jour ! Et des interphones dans les classes permettaient à Melle Lehot de nous surveiller, depuis son bureau, pour savoir si on travaillait véritablement ! Et si ce n’était pas le cas elle nous rappelait à l’ordre par ces hauts parleurs répartis dans chacune des salles !

Il y avait aussi des chahuts ! J’ai beaucoup chahuté Paul Blanchard qui était bien intéressant cependant et à la cantine j’ai lancé un « petit suisse » sur « le surveillant général » ce qui m’a fait passer en conseil de discipline et exclure de la cantine !

Et puis ensuite le « Centre d’Art Dramatique » est devenu l’ENSATT et j’ai dû passer à 40 ans le concours de sortie pour des raisons professionnelles !

BC

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 12:09

Bonjour.
Je m'appelle Anne Girouard et j'ai été élève à l'ENSATT de 1998 à
2001, dans la 60ème promotion et dans la section : comédiens. Je suis
aujourd'hui comédienne (depuis 10 ans, donc) et je travaille autant
pour le théâtre, que la télévision ou le cinéma.

J'ai énormément appris au cours de ma scolarité à l'ENSATT et ce que je suis, ce que je sais aujourd'hui, je le dois en grande partie à cette école, et notamment à Alain Knapp, à qui je serai éternellement reconnaissante. Depuis que je suis sortie de l'école, à chaque spectacle que je joue, que je répète, je pense à lui et à tout ce qu'il m'a appris. Je me demande toujours ce qu'il en penserait. Il est une espèce de repère pour moi , et s'il m'arrive d'être moyenne, je crois en tous cas que, grâce à lui, je ne ferai jamais n'importe quoi sur un plateau. J'ai appris de lui l'exigence, la précision dans l'analyse des textes, et surtout comment toujours être concrète, ne jamais sous-entendre, faire de sentiment (" le senti ment ! " disait-il), de la poésie. J'ai appris que le plus difficile était d'être simple. Et puis il y a eu la (re)découverte de Molière, Marivaux, Brecht, Tchékhov, Claudel. Moi qui pensais plutôt bien les connaître, je me suis rendue compte, grâce à lui, de l'étendue de mes aprioris sur ces auteurs. Je redécouvrais des mots , des phrases que j'avais pourtant souvent dits ou entendus mais qui n'étaient tout à coup plus les même tant j'avais été formatée par une espèce de pensée unique et bourgeoise auparavant. Cette découverte a été une véritable révolution pour moi. Et je sais quelle l'a été pour beaucoup de ceux qui ont eu la chance de l'avoir comme professeur.

Voilà. Je voulais témoigner de l'exceptionnel pédagogue qu'était Alain Knapp, mon maître, n'ayons pas peur des mots, même s'il m'arrive de transgresser parfois ce qu'il m'a enseigné. Mais après tout , les maîtres ne sont-ils pas faits pour ça, pour permettre de trouver une voie, sa voie?

http://www.agencesimpson.fr/spip.php?article34

http://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_Girouard

video : http://vimeo.com/12608520

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 11:45

En 1964, élève régisseur au centre d'art dramatique, je fais répéter quelques camarades dans une salle du « 21, rue Blanche ». Jean Meyer entre, écoute, trouve le texte intéressant et me demande quelle est cette pièce. Je lui réponds « il s’agit de La Fuite de Tristan Tzara.» Il entre dans une colère noire. J’évite le renvoi grâce au soutien d'une bonne partie de mes professeurs, particulièrement Lucien Pascal et Jacques Gaulme (qui cosigne la mise en scène) et à celui, plus discret mais pas moins efficace, de notre directrice Mademoiselle Lehot. La pièce est créée au Théâtre Gramont dirigé par René Dupuy, alors professeur rue Blanche.

A l’époque, la cérémonie quotidienne de l’appel de l’ensemble des élèves existait encore. Elle avait remplacé le salut au drapeau qui était pratiqué au temps ou Michel Serrault fréquentait l’établissement. La discipline était plutôt rigoureuse. Alors d’où vient que, malgré tout, il me reste des trois ans passés à ce qui devait devenir l’ENSATT un souvenir d’harmonie et de liberté ? Les contributions d’anciens élèves (près de soixante) que nous avons reçues durant la préparation de ce livre m’ont quelque peu éclairé.

Dès le concours, tout était fait pour que nous ne prenions pas la grosse tête : Bernard Charnacé, reçu en 1963, raconte : « la directrice, mademoiselle Lehot, et Jean Meyer, le directeur, déclarent en cœur : « ceux qui sont admis le sont, non parce qu'ils sont les meilleurs, mais parce qu'ils sont les moins mauvais. » Quelques années plus tard (1969), l’esprit reste le même pour le concours des scénographes. Selon Jean-Pierre Clech : « la matinée de l’examen était consacrée à une présentation de l’école par les professeurs et des élèves de seconde année. Le tableau dressé n’était pas tout rose : Un avenir professionnel en dents de scie, avec plus de bas que de hauts, n’espérez pas gagner votre vie confortablement, le succès ne sera que pour certains… C’était tellement encourageant que la moitié des candidats ne se présenta pas à l’épreuve de l’après-midi ». Mais l’attente des résultats est aussi l’occasion que se créent des liens. Ainsi, Philippe Ogouz se remémore : « je m'étais fait tout de suite un ami et nous ne devions plus nous quitter. Il se prénommait Bernard et tout à fait apeurés nous attendions de lire ou pas nos noms sur la feuille collée sur la porte. Son nom était Murat, il poussa un cri de joie et me laissa me faufiler pour apercevoir le mien. »

Après cette épreuve, nous nous sentions tous privilégiés d’être admis dans ce lieu magique : « cet établissement du service public de l’Education Nationale était une chance pour un garçon qui, comme moi, venait d’une famille qui n’était – mais alors pas du tout – dans le milieu du spectacle... » nous dit Emmanuel Serafini. « Cet hôtel particulier, vaguement rococo, plein d’escaliers, d’anciens salons, de recoins secrets, (il y avait même un petit théâtre et un jardin), était, en dépit de la discipline censée y régner, un lieu de rires de discussions, et parfois aussi de drames. Ce lieu était une sorte de cocon où l’on pouvait affûter ses armes avant de plonger dans la vraie vie, celle du travail et des projets personnels » (Christine Laurent) « Lieu historique, figé, magique, un peu inquiétant, touchant, où se croisaient, dans un désordre étrange et industrieux, poètes, acteurs, artisans, administrateurs, élèves ou professionnels. C’était un squat de luxe et une maquette hyper réaliste du monde du spectacle, où la raison et le pratique étaient continuellement confrontées à la fantaisie et l’irrationnel. » (Brigitte Tribouilloy) « Un escalier conduisait à une rotonde vitrée qui ouvrait sur un jardin clos, le cœur et le centre de la maison, un espace dont les dimensions intimes, presque familiales, protégeaient encore des sédiments d'enfance. Un sas pour passer d'un pays à un autre, s'emplir les poumons d'un nouvel état. » (Anne Bellec) « Aller au "Centre" le matin, c’était comme aller à son théâtre ou à la maison…/… son atelier de costumes, de décoration, ses cours de régie, d'escrime, d'histoire du théâtre, de comédie , le bureau du secrétaire général, celui de la directrice, mademoiselle Lehot, où l'on pouvait être entendu, et aussi sa cantine, et encore ses recoins où l'on se retrouvait pour répéter et rabâcher nos auteurs classiques et modernes, son petit théâtre où nous montions et présentions nos spectacles, et enfin, nos professeurs... Tout cela avait l'atmosphère d'une ruche joyeuse et passionnée emplie de notre désir de théâtre. » (Gilbert Beugniot)

La ruche, le mot est lancé, on en retrouvera l’idée dans de nombreux témoignages : « ce qui était formidable au Centre c’était l’ambiance, la joie de tous les élèves, une effervescence dans les salles où il n’y avait pas de professeur et où l’on travaillait soit les scènes soit des pièces et….. Une telle envie de jouer ». (Rosine Proust) « De ce mélange d’élèves apprentis, acteurs, metteurs en scène, scénographes, régisseurs, je garde l’impression d’une sorte de jardin d’enfants pour futures grandes personnes. Les visages, les corps, les postures, tout était singulier, nouveau. Tout était à entreprendre… » (Christine Laurent) « Les clans se formaient, les amitiés se forgeaient et les amours variaient. Le Bonheur à l’état pur. Je n’y ai connu aucune jalousie, mesquinerie ou engueulades. Nous étions soudés, complices et conscients de notre invraisemblable chance. Ce lieu possédait la grâce ». (Kristina Manusardi) « Mes deux ans d'éducation au métier de décorateur de théâtre furent plutôt joyeux, bien aidé, je dois le dire, par Maître Gaulme. Certainement y ai je appris quelque chose mais dans mes souvenirs je n’ai que des fulgurances de facéties de tous ordres (de rires, d’amours, de blagues). Et, finalement … après une longue expérience dans cette activité, ce n’était pas trop éloigné de la vraie vie de saltimbanque » ! « Je revois le petit théâtre tout en haut, où j’ai souvent joué, le jardin du premier étage, lieu de complots divers, la cantine en sous sol, qui a vu parfois des batailles de fromage blanc d’anthologie, l’atelier des décorateurs, où l’on se réunissait souvent après le déjeuner, pour jouer de la guitare » (Gilles Blumenfeld) « Ce qui était exceptionnel au centre, c'était la théorie et la mise en pratique instantanée. On peut dire que le centre ça été ma première troupe car, contrairement au conservatoire, on se retrouvait tout de suite en situation d'artistes élèves interprètes, c'était la boîte magique : il n'y avait pas uniquement l'apprentissage de la comédie,... Il y avait tout, toute la famille, c'était déjà tout une troupe. Ainsi on entrait donc tout de suite de plain-pied dans ce qui allait être notre vie. » (Patrick Préjean) « Entre les cours, les couloirs bruissaient de répétitions et les ateliers (décors et costumes) étaient comme des ruches…/..Cette période appartient sans aucun doute aux plus belles années de ma vie. » (Catherine Siriez) « Je trouvais également merveilleux de pouvoir visiter le travail des autres divisions ; scénographes, costumiers, éclairagistes et administrateurs. …/… Toutes ces sections confondues participaient à donner une ambiance inoubliable dans cette maison lumineuse, remplie de vie, de gaité et de chaleur. » (Marie-Christine Laurent). La cantine est une institution importante : tout le monde y déjeune le midi, ceux d'entre nous qui viennent de province y dînent également le soir. Cela se passe dans les sous-sols (très belle caves voûtées). C'est un lieu où se lient des complicités qui souvent perdureront par la suite. L’inénarrable madame Dupuy (orthographe incertaine) est la maîtresse de cette principauté. À chaque repas, elle passe entre les tables, comme les chefs des grandes maisons, et questionne chacun sur la qualité de la cuisine. Il ferait beau voir de répondre négativement ! Ce personnage populaire, haut en couleurs, semble sorti d'un film de Prévert et Carné, ses coups de gueule sont impressionnants. Il reste qu'on y consomme une cuisine bourgeoise tout à fait honorable et que cette cantine nous donne un peu l'impression d'être en famille.

Les interdits font également partie du charme : « Nous étions à l'âge du flirt. Il existait au deuxième étage d'anciennes chambres froides désaffectées, c’était un lieu interdit ou nous nous rendions en couple pour transgresser un tant soit peu les interdits. » (Patrick Préjean) « Par une trappe située dans les coulisses, nous accédions à une terrasse interdite où nous allions prendre des bains de soleil clandestins. » (Mireille Calvo Platero)

Nous étions tous conscients de bénéficier de professeurs d’exception, parmi eux Henry Rollan est celui qui est le plus souvent cité « Je le revois articuler, ouvrant très peu la bouche, avec ses mains si vives et son auriculaire pointé comme lorsqu’il jouait le Cardinal d’Espagne ou le maitre de Philosophie au Français.» (Rosine Proust) « Il était avant tout un éveilleur de l'esprit du corps, du cœur également, il donnait à chacun des clés pour ouvrir les portes de l'imagination et maîtriser les techniques qui permettent l'envol de la création. » (Bernard Charnacé) « On avait tout simplement envie de l'appeler maître et nous le faisions sans que personne nous l'ait demandé. » (Patrick Préjean) « (Il) serrait les mots comme un aigle sa proie, et nous guidait dans la conscience. Ce qu'il nous a enseigné n'avait rien d'académique, c'est grâce à son exigence que j'aie franchi l'étape du conservatoire. » (Anne Bellec)

« Je me souviens des cours d'Henri Rollan, son entrée, gitane maïs au coin des lèvres : il envoyait son chapeau sur la tête de La Thorilliére (Chaque salle portait le nom d’un comédien de la troupe de Molière et était dotée, en général sur une cheminée de marbre, d’un buste en plâtre de celui auquel la salle était dédiée. -N.D.L.R.-) il s'asseyait à son bureau, fredonnant une chanson de Maurice Chevalier puis il rassemblait toutes ses forces avec quelquefois un cri, tapait du poing sur la table (il souffrait d'un cancer). C'était les heures de bonheur, avec un maître exigeant, dur parfois, d'une immense culture. Il était éblouissant l'œil incisif, ne laissant rien passer. Son enseignement était un pur bonheur. Je travaillais Bérénice, la scène avec Titus : « Ah seigneur ! Vous voici./ Eh bien, il est donc vrai que Titus n'abandonne ? / Il faut nous séparer. Et c'est lui qui l’ordonne. » Je ne suis jamais allée plus loin pendant tout le cours, m'arrêtant à chaque fois qu’Henri Rollan me donnait des indications, parlant de chair palpitante, de musique, de Debussy... À la fin du cours j’étais épuisée, débarrassée de toutes les scories. Il m'a dit : « ça commence à se dessiner » avec un sourire affectueux. J'étais heureuse ! » (Nicole Falcon)

Beaucoup parlent de Robert Manuel en termes parfois contrastés : « Il avait la dent dure et la plaisanterie facile aux dépens de certains, pendant que d'autres, pour plaire au Maître, s'esclaffaient à chaque bon mot. » (Alain Léonard) « Le premier contact avec lui dans la classe m'a surpris il était arrivé en chapeau haut de forme et une cape : il était habillé à "la Mandrake" » (Jean Knauth) « (Il) n’admet aucun retard et ferme la porte à clé dès le début du cours. » (Serge Moisson) « (Sa) grosse blague était de dire : « bonjour Georges » à Jean-Louis Thamin parce que ça faisait : G.Thamain (j’ai ta main !) Et il a réitéré cette finesse à chaque cours. ». (Fabienne Thouand). José Valverde a un avis plus positif : « Devant Robert Manuel, mon professeur, Je peux dire que j'y mets toutes mes tripes, tout ce que j'ai dans mon petit cœur qui bat la chamade, je tremble d'émotion et j'entends : « Tes panards, Valverde !». Une drôle d'épreuve ! Une sacrée épreuve ! Ma première grande leçon de théâtre ! Beaucoup d'élèves boudent le cours. Il fait des remarques brutales, sans concession. Les filles en particulier ont du mal à le supporter, certaines sortent de la classe en larmes parce qu'après la grande scène de Célimène, elles s'entendent dire par Manuel : « Tes roberts ! Sors tes roberts ! » C'est comme pour moi « Tes panards ! » Mais, à chaque fois, quelle finesse, quelle justesse dans la remarque, au-delà de la brutalité et de la grossièreté voulues ! En effet, Britannicus est un jeune héros conquérant et intrépide il ne peut pas parler les pieds en dedans. Cette façon de se tenir pieds en dedans, outre quelle est franchement ridicule, montre que l'acteur est loin, bien loin, d'être dans l'état intérieur du personnage. De même pour Célimène. Il faut ignorer l'importance des seins dans l'attirail de séduction des femmes coquettes pour jouer Célimène en oubliant sa poitrine. »

Jacques Gaulme, était également de ceux que l’on n’oublie pas : « Parmi les rencontres, une m’a marquée pour la vie : Jacques Gaulme. Il était notre professeur de scénographie. Il fut bien plus : un éveilleur, un accompagnateur, un acteur, pour certains d’entre nous qui étions travaillés par les idées nouvelles, par les rêves d’une autre société. Nous voulions changer tout. Gaulme n’était pas contre, au risque d’avoir à se justifier où de contrarier l’administration assez conventionnelle qui présidait à l’époque. Il a participé avec quelques-uns d’entre nous à des aventures théâtrales audacieuses. C’était un artiste, et quelqu’un qui non seulement « avait l’œil », mais aussi, qui savait écouter et sentir. » (Christine Laurent) « Je me souviens de notre grande liberté, sur les choix de techniques concernant les projets que nous devions réaliser. Rien ne nous était imposé. On pouvait utiliser la gouache, le crayon, l'huile, et faire à notre choix des esquisses sur papier ou des petits modèles en volume. Le Maitre nous dispensait tout au plus quelques conseils. Liberté d’échange d’idées entre nous, mais aussi avec les jeunes metteurs en scène, comédiens et régisseurs. » (Claudie Gastine) « L’atelier déco de la rue blanche en 1974 comptait seulement 6 étudiants. Un privilège de faire partie de cette petite famille avec le professeur de scénographie hors du commun…/…. Je voudrais rendre hommage à cet homme magnifique, d’un grand talent et surtout d’une très grande gentillesse. » (Dominique Lajous)

« Fin 1963, c’est à partir de la notation de la lumière apprise lors des cours de régie que j’ai commencé à concevoir les partitions de mes premières « Electrographies » et entrepris de rédiger une pièce de théâtre en rapport avec la forme nouvelle qu’Isidore Isou donnait à cet art. Jacques Gaulme, que j’ai informé en premier de ma découverte, s’est montré très intéressé par les conceptions de ce mouvement et, avec lui, Claude-Pierre Quémy, également en décoration, qui venait avec moi de passer en classe de régie…/… leur enthousiasme les conduisit immédiatement à participer avec leurs œuvres à plusieurs revues lettristes…/… et à plusieurs expositions comme la Biennale de Paris et, un peu plus tard, à diverses manifestations poético-musicales lettristes au Théâtre de l’Odéon et à l’Ambigu. La nouvelle de ces activités s’est propagée rapidement dans le Centre, auprès de la directrice jusqu’aux différents professeurs au point de déclencher des débats animés …/…Le comble fut atteint le 17 janvier 1964, lors de l’organisation au Conservatoire d’une soirée intitulée Hommage et redécouverte du Théâtre Dada-Surréaliste au cours de laquelle j’avais recréé et mis en scène, dans des décors de Roberto Altmann, la pièce de Georges Ribemont-Dessaigne, Le Bourreau du Pérou dont les répétitions avaient préalablement été réalisées, il me semble, avec l’accord de la directrice, dans le centre avec plusieurs de ses élèves - Francine Comiot, Bernard Spiegel, Pierre Battini, Claude Giraud -, et notamment, la participation de Gaulme et de Quémy qui y tenaient les rôles principaux. Un compte-rendu détaillé de cette manifestation a été publié dans un numéro de Paris-Théâtre qui, peu de temps après, fera également écho à La Fuite, de Tristan Tzara, que ces derniers ont mis en scène et interprété au Théâtre Gramont, toujours avec le concours des élèves du centre ( Rosine Proust, France Roy, Gilles Blumenfeld)… » (Roland Sabatier)

Beaucoup sont passés du cours de scénographie à celui de régie, dirigé par Lucien Pascal, comme en témoigne Guy-Claude François : « J’ai eu l’intuition, la pédagogie ambiante laissant largement l’aspect pratique de côté, de suivre des cours de régie avec Monsieur Pascal pour m'initier aux techniques du théâtre. Et, je me félicite de cette démarche, la suite m’ayant donné grandement raison. » « Lucien Pascal, comédien et directeur de la scène à la Comédie Française enseignait la régie via la mise en scène. Il nous a transmis l’humilité, valeur première au service du texte du poète auteur d'une œuvre. Un homme cultivé et généreux que tout le monde aimait et respectait…/…. L'Homme et l'Artiste, fut un exemple et un modèle ». (Alain Léonard) Il faudrait pouvoir citer tous les noms : Jean Le Goff, Berthe Bovy, Paul Blanchart, Marguerite Boulay, Georges Negluau, Pierre Betoulle et bien d’autres… Il faudrait parler du festival d’Egletons en Corrèze ou tout le centre se déplaçait au mois de mai « dont nous partîmes si émus, certains d'entre nous jusqu'aux larmes » (Gilbert Beugnot).

Une fois entré au Centre, l’accompagnement, le suivi individuel tout était fait pour que nous trouvions notre place pour devenir des gens de théâtre y compris, et c’était courant le passage d’une section à une autre. Ainsi Fabienne Thouand entrera en section costume puis en décoration et enfin en régie. Après une riche expérience professionnelle on la retrouvera professeure pour la section habilleuses. Le parcours de Maryvonne Schiltz n’est pas moins singulier :

« Puisqu’elle veut absolument être dans un théâtre, il y a les costumes, eh oui ! Pour la section comédie, il faut le bac ! » : Conseil d’orientation quelque peu approximatif ! Mais qu’importe…17 ans : diplômes de couture en poche, - Adieu Dior et consorts… - Bonjour les planches ! Une année sous le regard scrutateur de Marguerite Boulay, à bichonner l’apparence de ceux qui vont tenter de porter le verbe du poète. Une année à peau…finer la peau des personnages : enrichissement, plus tard, lorsque la comédienne et la costumière se réuniront pour un même partage…./… « Je cousais… je cousais…mon cœur… » Et cette envie récurrente qui vous « chatouille… qui vous gratouille ». Eh bien ! Il suffisait de s’exprimer : bienveillance de Marguerite touchée, malgré tout, de ce changement de cap, m’orientant vers Teddy Bilis, l’œil amusé : monologue un « Caprice » d’Alfred : la bourse…et la vieeee.…/…Deux années de magie, les planches se font plus présentes : Antigone, Camille (les premières d’une belle collection) dans ce théâtre de poche trop petit pour contenir la fureur d’Horace, …/…Comment cela pouvait-il fonctionner ? Entassés dans cette bonbonnière, sorte de cabine des Marx Brothers, sans confort…Que du bonheur ! Foin de toutes les commissions de sécurité, entouré d’une équipe administratrice, finalement bienveillante, malgré tout, lieu unique de liberté, de rêve, de compagnonnage, saveur unique d’humanité : fondement même du théâtre, non ? » (Maryvonne Schiltz)

Nous étions, en effet, entassés dans une bonbonnière mais une certaine harmonie s’y était créée. Les techniques évoluaient, la sécurité imposait ses contraintes, avec l’annexion du théâtre 347 les conditions allaient évoluer, c’était inévitable. Eric Jakobiak, élève en 1986 note : « le local du 21, rue Blanche était destiné aux techniciens et administrateurs. Les comédiens se retrouvaient au Théâtre 347 de la rue Chaptal. Cet isolement nous apportait une autonomie appréciable -notamment dans l’utilisation des salles pour répéter- mais ne favorisait pas les rencontres entre artistes et techniciens. » Et Gérard Linsolas, élève en 1977, revenant cinq plus tard en tant que prof, relève le changement : « Les murs étaient les mêmes et l’atmosphère avait changé. Il n’y avait plus de gardien dans la loge du rez-de-chaussée à droite en entrant. Les comédiens étaient au 347, les techniciens, pour des raisons de sécurité, avaient emporté leurs machines ailleurs, la classe de régie et d’administration avait été scindée en deux ».

Et après ?

« Aujourd’hui encore lorsque je suis en répétition ou sur scène c’est à ce lieu que je pense, ce lieu qui m’a donné le goût de ce métier et de l’art indispensable à ma vie. » (Patrik Lemaire). « Dans ma loge, les soirs de spectacle, le petit génie d’Aladin, enfin, de la salle Lagrange vient me visiter et il me donne la clé, l’histoire, l’envie, le désir. Et dans ma tête, le petit violon repart et l’archer glisse sur les cordes et le tempo reprend. Et la page blanche de la rue blanche commence à s’animer. Et Lagrange, La Thorillière, Baron, Annick B., Patrick P., Maryvonne S., Marlène J. et les autres, dans un même élan collectif, nous saluons tous. Le rideau se ferme mais je crois qu’il y aura encore beaucoup de rappels. » (Henry Moati)

Ce texte a été copieusement nourri des témoignages de : Martine André, Anne Bellec, Gilbert Beugniot, Michelle Blaise, Gilles Blumenfeld, Yves Brunier, Mireille Calvo Platero, Bernard Charnacé, Jean-Pierre Clech, Sylvie Dudragne, Armand Eloi, Nicole Falcon, Guy-Claude François, Claudie Gastine, Jean-Michel Gautier, Gilles Gleizes, Anne Girouard, Michèle Godon, Jacques Haurogné, Eric Jacobiak, Roger Jouan, Jérôme Kaplan, Jean Knauth, Dominique Lajous, Claudia Lapaco, Christine Laurent, Marie-Christine Laurent, Patrick Lemaire, Alain Léonard, Gérard Linsolas, Kristina Manusardi, Henry Moati, Serge Moisson, Gérard Morlier, Philippe Ogouz, Martine Pibault, Patrick Préjean, Rosine Proust, France Roy, Roland Sabatier, Doride Salti, Emmanuel Serafini, Maryvonne Schiltz, Catherine Siriez, Fabienne Thouand, Brigitte Tribouilloy, José Valverde, James Van der Straeten, LaurentVercelletto, Eric Vigner, Brigitte Virtude, Dany Weil

Ils sont consultables dans leur intégralité sur le net (lien sur le site de l’Ensatt) et à la bibliothèque de l’Ensatt

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 11:24

Un joli pavillon de banlieue en pleine effervescence : c'est les journées portes ouvertes dans les ateliers d'artistes de cette ville de banlieue. Franka Salmon expose ses sculptures. Famille d’artistes : un fils expose ses photos, une fille ses toiles, un concert se prépare à l’étage. C’est le père, Yves Brunier, que je viens voir. Il était rue Blanche en même temps que moi dans les années 63/64, d'abord en section décoration puis en régie.

Ensuite, un parcours pas banal : Après avoir été régisseur dans différents théâtres parisiens, il a travaillé avec le grand marionnettiste Philippe Genty,rencontre déterminante qui l’entraîne dans un voyage autour du monde sous le patronage de l’UNESCO. Ils réunissent une documentation unique sur les marionnettes à travers le monde : du traditionnel Bunraku Japonais aux Muppets de New York. Il en résultera la série TV « Marionnettes du Monde » :32 épisodes diffusés sur Fr 3... Leur spectacle primé au festival international de la marionnette à Bucarest leur procure une tournée mondiale, un an de contrat au Tropicana de Las Vegas, et un engagement dans la revue de Roland Petit au Casino de Paris.

Yves Brunier a déjà un large éventail d’activités lorsque Christophe Izard lui confie en 74 la création et l’animation du désormais mythique Casimir qui occupera l’antenne 8 ans. S’ensuivent une centaine de personnages pour la télévision, plusieurs séries courtes comme auteur et réalisateur, de nombreux personnages pour la publicité comme Footix, la mascotte de la coupe du monde de football...


Il est aussi le createur de « Actualités des Arts » une revue pour laquelle il écrit de nombreux articles sur la peinture contemporaine, l’auteur de préfaces de livres et catalogues d’expositions. Conseiller artistique de l’Espace Art et Patrimoine du Crédit Municipal de Paris, il prendra ensuite la direction de la galerie « Espace Châtelet Victoria » où il montera une vingtaine d’expositions.

Selon la formule consacrée, nous parlons du bon vieux temps. Les copains avant : Marlène Jobert, Christian Bouillette (plus de cent films et presque autant de pièces de théâtre), Marie-Antoinette Dinnetti (une grande décoratrice de la SFP) Je lui rappelle le but de ma visite : un témoignage sur la vie scolaire Rue Blanche. Par quel bout prendre les choses ? On ne sait trop…

Puis nous évoquons ce recoin qui existait tout en haut, sous les toits, une mansarde, presque un grenier, à coté de la salle ou avaient lieu les cours de régie de Lucien Pascal et ceux d’histoire des styles de Madame Tritz. Nous aimions nous y réunir pour travailler des textes pas trop orthodoxes à propos desquels il valait mieux faire profil bas. Yves se souvient : « Nous y avons répété pendant des mois avec Daniel Prévost une pièce dont il était l’auteur, nous n’avons jamais réussi à la jouer. Je possède toujours le manuscrit.»

Ca y est, on le tient ton témoignage !

Il est vrai que ce que nous faisions à la marge de l’enseignement officiel comptait parfois plus pour nous que les cours, un peu trop académiques à notre gout, qui étaient la raison principale de notre présence dans l’établissement. Et puis avec Daniel Prévost la vie ne manquait jamais de sel. Yves va prendre sa plume et nous raconter cette aventure. Bon courage et surprend-nous !

A suivre…

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 11:22

J'ai visité L'ENSATT l'hiver dernier, y ai rencontré Simone Amouyal. Dire que j'ai été très impressionnée par les moyens techniques mis à la disposition des élèves est un euphémisme. En réalité, en déambulant dans les longs couloirs, j'étais en train de prendre la mesure du temps. Un demi-siècle s'est écoulé... 50 années depuis 1959-60...1e jour où la porte du numéro 21 rue blanche s'est ouverte sur une maison particulière enclavée dans la rue étroite. Un entresol et deux étages ; un escalier conduisait à une rotonde vitrée qui ouvrait sur un jardin enclos, le cœur et le centre de la maison, un espace dont les dimensions intimes, presque familiales protégeait encore des sédiments d'enfance. Un Sas pour passer d'un pays à un autre, s'emplir les poumons d'un nouvel état.

Je revois les visages des professeurs : Teddy Bilis aux yeux rieurs et tendres, Henri Rollan et sa « boyard maïs » éteinte, qui serrait les mots comme un aigle sa proie, et nous guidait dans la conscience. Ce qu'il nous a enseigné n'avait rien d'académique, c'est grâce à son exigence que j'aie franchi l'étape du conservatoire. À l'étage au-dessus, il y avait le petit théâtre. Hors des heures de cours matinales, tous les lieux étaient occupés et vibraient de discussions, de questionnements sur le travail commun et notre ressenti. Le brouhaha parfois atteignait le plafond et remontait jusqu'aux combles où se trouvaient deux chambres frigorifiques, fermées par des poignées de métal. On pouvait y étudier en solitude sans être dérangé. J'en ai usé et Maryvonne Shiïtz aussi, et d'autres dont l'évocation des visages appelle des noms : Daniel Prévost et sa guitare, mon grand frère du dimanche, amoureux de Ferré. Marlène Jobert, son humour gouailleur, et ses escapades secrètes dans les maisons de production. Annie Sinigalia , Michèle Thévenin, Patrick Préjean, Georges Claisse, qui faisait vibrer le cœur des filles. Bruno Sermone, étrange et beau comme un Dieu de l'Olympe, Pierre Clémenti, Bernard Murât, Gilbert Beugniot . Claudie Gastine, mon amie d'enfance, aux décors et costumes... ma mémoire n'est pas exhaustive.

Anne BELLEC

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 11:21

La rue Blanche, une longue rue étroite qui part de la trinité pour rejoindre la place blanche. Sortie métro trinité pour commencer l’ascension de cette rue que je découvre pour la première fois en 1974. Après dix bonnes minutes de marche laissant sur la gauche le théâtre de Paris puis sur la droite la caserne des pompiers, je me retrouve de nouveau sur la gauche devant un petit hôtel particulier assez atypique tout en rondeur. Est-ce bien le numéro 21, est-ce bien l’ENSATT ? Une plaque noir très discrète me rappel l’existence de cet institution. Après avoir poussé une lourde porte en fer forgée vitrée, je me retrouve dans le hall devant la loge du concierge à qui je réclame les fameux documents pour m’inscrire au concours d’entrée en section scénographie. Le concours se passe au lycée Jacques Decour dans le 9ème arrondissement le 29 mai 1974. Parmi les 15 admis cette année là, j’intègre la section scénographie le 16 septembre 1974, avec seulement 2 garçons et trois filles pour l’année 74/75 (malheureusement ma mémoire me fait défaut car je n’ai plus les noms de mes compères de l’époque). L’atelier déco de la rue blanche en 1974 comptait seulement 6 étudiants. Un privilège de faire partie de cette petite famille avec le professeur de scénographie hors du commun qu’était Jacques GAULME. Je voudrais rendre hommage à cet homme magnifique, d’un grand talent et surtout d’une très grande gentillesse. Il nous a quittés en 1998. Je l’ai côtoyé pendant les deux années scolaires dans ce cadre si extraordinaire qu’était la verrière de ce bâtiment signé Charles GARNIER. Cette pièce tout de verre, de métal et de mosaïque avait du être un superbe jardin d’hiver à son origine, elle dominait une petite cour intérieur. Je me souviens des cents pas que pouvait faire Christophe Malavoy, Catherine Frot, Laurent Mallet et bien d’autres lorsqu’ils répétaient leurs scènes sur le perron. Un jour nous étions tous confortablement installé devant nos tables à dessin lorsqu’une assistante d’un des cours de comédie pénétra dans notre section à la recherche du remplaçant d’un élève absent. Je fus désigné me retrouvais sur la scène du petit théâtre de la rue blanche avec entre les mains le texte que je devais jouer. Le metteur en scène René Dupuis me donne les indications, je m’exécute, le stress m’envahissant sur le champs devant tous les élèves et surtout le maître des lieux, à qui personne n’avaient dit que je venais de la section décoration, je lis, enfin j’essaye, je bafouille une première fois on me dit de recommencer, une deuxième, puis une troisième fois mais toujours avec autant de maladresse. Pour en finir je m’entends dire par René Dupuis « foutez moi le camp c’est inamissible d’être dans une école de théâtre et de ne pas savoir jouer la comédie ». Je me suis pris la honte de ma vie et, malheureusement pour moi, aujourd’hui, j’ai toujours le regret de ne pas avoir renouvelé l’opération.

Dominique Lajous

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 11:19

Après un premier prix du Conservatoire de Toulon, Alain Leonard a suivi les cours de La Rue Blanche de 1963 à1965. De nombreuses expériences comme régisseur puis comme comédien l’amènent à se confronter à l’écriture. Il présente ses créations dans le Off Avignon qui en est encore à ses balbutiements. En 1982, face au développement exponentiel du Off, il crée l’association Avignon Public Off. En 1983, il crée et dirige Le Festival Théâtral Du Val d’Oise avec 8 communes, pour parvenir à plus de 50 villes en 2008. Il est actuellement Directeur artistique du Festival Européen des Ecoles de Théâtre de Basse Silésie (Pologne).

Être reçu à la Rue Blanche après un premier prix du Conservatoire de Toulon, confirme votre talent et autorise tous les espoirs quand on «monte à Paris». Faux départ dès le premier jour : Hébergé à la Varenne Saint Hilaire, chez mon frère, celui-ci eut la formidable idée de me prêter sa vieille Peugeot 203 qui, pour cet événement vital, refusa obstinément de partir en cette froide matinée d'automne. J'ai dû me rendre en toute hâte à la gare SNCF, prendre le premier train qui allait me transporter à la Bastille à toute vapeur (au sens propre : pas encore le RER), pour espérer arriver à l'École dans les temps. En provincial prudent, j'avais probablement pris le soin d'une marge de temps assez généreuse pour éventuellement m'y rendre à pieds !

J'avais obtenu une bourse qui permettait déjeuner et à dîner gratuitement à la cantine. Le déjeuner était servi vers 13 heures, le dîner vers 17h30 ! Il y régnait une atmosphère bon enfant qui sentait bon les colonies de vacances. A l'heure habituelle du goûter des enfants, toutes les rigolades sont permises, jusqu'aux comportements les plus saugrenus et puérils. Je crois me souvenir d'une bataille rangée de «petits suisses» qui anima l'un de ces dîners de 17h30, où seuls les quelques «privilégiés» provinciaux qui y avaient accès, furent acteurs et témoins de l'histoire ... Autre guéguerre picrocholine dont je garde un souvenir ému, fut celle des Lettristes à propos du théâtre Dadaïste, certainement moins surréaliste que la bataille des Petits Suisses. Sans vouloir l'offenser, et surtout pas dans un esprit de délation, je crois ne pas avoir oublié que mon ami Claude Quémy n'était pas étranger à l'affaire...

Les cours de secourisme n'étaient pas moins pittoresques avec les soldats, les empereurs romains, les amoureuses et les dames confidentes en costumes XVIIème siècle, allongés sur des brancards, terrassés par des fous rires qu'aucun «secouriste» ne parvint jamais à calmer ...

Teddy BILIS comédien et pédagogue accompagnait les apprentis pour les amener à se révéler et découvrir leurs possibilités personnelles. En comédie, j'étais dans sa classe. Il nous permettait d'être nous mêmes dans les personnages (emplois) classiques, quand d'autres professeurs enseignaient à jouer comme il convenait de jouer selon la tradition. Henri ROLAND, professeur érudit grand pédagogue animait un cours très prisé. Entre autre pour l'usage des e muets... N'étant pas élèves dans sa classe, nous étions très nombreux à souhaiter assister à ses cours en auditeurs libres, chaque fois que cela était possible. Sa classe était en effet souvent surchargée.

Lucien PASCAL, comédien et directeur de la scène à la Comédie Française enseignait la régie via la mise en scène. Il nous a transmis l’humilité, valeur première au service du texte du poète auteur d'une œuvre. Un homme cultivé et généreux que tout le monde aimait et respectait. Amoureux de son métier, du Théâtre, tout en soulignant les mérites du théâtre de répertoire, de l'alternance et de la Rue de Richelieu en particulier. L'Homme et l'Artiste, fut un exemple et un modèle. L'un de nos exercicesetait de concevoir une mise en scène. J'ai dû plancher sur un projet de mise en scène de Lorenzaccio, de Musset. Une camarade, élève décoratrice de l'école, a conçu un dispositif transformable à partir d'éléments mobiles ... j'ai oublié son nom, comme ceux des comédiens choisis, sauf celui de Daniel IVERNEL qui m'a semblé incontournable à cette époque pour jouer le Duc.

Paul BLANCHART, auteur dramatique et historien nous faisait vivre l'histoire du théâtre, qui devenait un peu la nôtre. Je souhaitais aller plus loin et avais envisagé de chercher en librairie le numéro du Que Sais-je ?, qu'il avait écrit sur «l'Histoire de la Mise en Scène». Introuvable en librairie. Sauf vers 1 heure du matin à Pigalle. Eurêka, dans un déballage de brochures et de magazines divers fort éloignés de mes préoccupations artistiques et théâtrales. Incroyable et insolite. J'ai remercié donc chaleureusement ces étonnants «animateurs culturels» des nuits de Pigalle.

D'autres professeurs ne me semblaient pas particulièrement attachants. Jean MEYER, le Directeur, animait «sa Grand Messe» hebdomadaire du Jeudi avec tous les élèves de l'École. Il ne m'en est rien resté. Robert MANUEL enseignait la Diction. Il avait la dent dure et la plaisanterie facile aux dépens de certains, pendant que d'autres, pour plaire au Maître, s'esclaffaient à chaque bon mot. Je dois avouer que je faisais partie de ceux qui n'en riaient pas toujours. J'ai pensé, plus tard, qu'il devait agir de la sorte, dans le but de nous préparer a certaines rencontres professionnelles peu aimables auxquelles nous aurions plus tard à faire face ...

Parmi les élèves, j'avais repéré trois «grands comédiens» ! Selon moi, sans me préoccuper de l'avis des professeurs, ni de ceux des camarades de l'école. Il n'y avait dans mon esprit aucune notion de hiérarchie pouvant laisser croire qu'ils étaient meilleurs. Ils étaient simplement d'ailleurs. Claude DEGLIAME, Monique VERET et Francis ARNAUD m'apparaissaient « habités »par la grâce - ou un don particulier. Monique Veret ne souhaitant pas se commettre dans des productions médiocres face à sa notion exigeante de l'Art, elle a préféré se consacrer à un autre métier. Dommage. Claude Degliame, comédienne douée d'une voix grave et chaude, en harmonie avec une allure fière de tragédienne, s'est avérée par la suite et jusqu'à aujourd'hui, être une artiste authentique que j'ai eu le plaisir de suivre de loin dans de belles expériences théâtrales portées par des projets audacieux, riches et novateurs. Francis Arnaud est l'ami qui m'a fait entendre pour la première fois le nom du grand poète René CHAR. Dans le contexte d'une école, l'élève qui s'intéresse aux poètes «ne peut pas être tout à fait mauvais». Il a participé lui aussi à de belles aventures, jusqu'à son dernier film «La graine et le mulet», qui lui a été dédié après son décès. Un grand comédien au parcours engagé, exigeant et passionné.

J’eu aussi le plaisir de retrouver Edith GARNIER, amie personnelle et issue comme moi, du Conservatoire de Toulon. Admise au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris, avant son entrée au Français, elle a joué dans diverses productions théâtrales et télévisuelles. Catherine HIEGEL, que j'ai croisée il y a très longtemps, dans les coulisses du Théâtre de Dix Heures fait la carrière que l'on sait à la Comédie Française et ailleurs. A l'occasion du MASA d'Abidjan en Côte d'Ivoire, j'ai revu Ambroise M'BÏA, comédien du Cameroun venu faire ses études à la Rue Blanche. Micheline UZAN s'est illustrée notamment avec sa compagnie qui harmonisait. Théâtre et Sciences. Une belle entreprise artistique originale. Nous avons tous vus à l'affiche Maurice RISCH ou Patrick PREJEAN. J'ai souvent retrouvé Bernard SPIEGEL à Avignon et au Théâtre de la Colline à Paris, dans des petites productions mais aussi dans des spectacles aux budgets plus conséquents. Tout au long de ces années, j'ai revue Annie Degay dans plusieurs festivals, et aussi Claude QUEMY à l'occasion de plusieurs spectacles qu'il a créés, dans ses fonctions à Nanterre, ainsi que dans ses diverses activités militantes. Jean-Louis THAMIN, dont la carrière est connue de tous, a monté dans le cadre de l'école «Le Sicilien ou l'Amour peintre », de Molière. Il m'avait confié le rôle de Sganarelle. J'ai oublié les noms des autres interprètes. Je ne sais plus ce qu'il est advenu de ce projet. Jacqueline MESSA et Annie DEGAY, élèves de la même classe ont eu l'idée commune de monter deux pièces de Federico Garcia LORCA. Viviane ELBAZ jouait Bélise, dans la mise en scène de Jacqueline MESSA, dans laquelle je jouais Don Perlimplin. Henri MOATI interprétait le vieux Savetier dans «la Savetière Prodigieuse» mis en scène par Annie DEGAY. Nous avons joué ces deux spectacles ensemble pour quelques représentations, dont une ou deux à Aubervilliers qui était, je crois, CDN en préfiguration avec Gabriel GARRAN.

Après des deux années merveilleuses passées dans cette école pour laquelle l'atmosphère conviviale et chaleureuse m'apparaît tout à fait essentielle au delà de la qualité des enseignements, je dois dire que chaque fois qu'il m'a été donné de rencontrer des jeunes comédiens ou techniciens, issus de la Rue Blanche, j'ai eu le sentiment d'accueillir une personne de ma famille. Cela n'était forcément déterminant pour une collaboration future, mais cela demeurait un à priori très favorable dans nos professions où l'ambition de devenir «intermittent» dénature un métier où les notions d'Art et de savoir-faire semblent parfois appartenir à d'autres galaxies.

On peut dire que cette belle école nous a laissé à chacun d'excellents souvenirs, tant par le talent et le bonheur de transmettre des professeurs, que par l'atmosphère de camaraderie qui régnait en général parmi les élèves. L'administration du Centre était à la hauteur; manifestant une sévérité affectueuse quand il le fallait, mais aussi beaucoup de compréhension vis à vis des problèmes rencontrés, ou crées par certains élèves.

Alain Leonard

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 11:18

Il y a tant de choses à dire sur mes deux années passées à l’Ecole de La Rue-Blanche (promotion 1991-1993). Ce fut d’abord une extraordinaire aventure artistique et humaine, riche de rencontres. Le lieu, en lui-même, mérite le déplacement : magnifique hôtel particulier avec boiseries et plafond à caissons dans certaines salles et petit jardin privatif planté de quelques arbres.

C’est dans cette école que ma personnalité et mes envies ont vraiment pu commencer à émerger et s’épanouir. J’y ai trouvé l’émancipation dont j’avais besoin. L’enseignement était dense par la qualité de ses professeurs, mais aussi par la diversité de ses cours tels que la danse, les claquettes, l’écriture, le Tai-chi-chuan, le masque, en plus de la comédie et tragédie bien-sûr. Je trouvais également merveilleux de pouvoir visiter le travail des autres divisions ; scénographes, costumiers, éclairagistes et administrateurs. Chose qui n’existe pas au Conservatoire de Paris. Toutes ces sections confondues participaient à donner une ambiance inoubliable dans cette maison lumineuse, remplie de vie, de gaité et de chaleur.

Si on me demandait de retenir un de mes plus forts souvenirs de mes deux années passées à l’Ecole de la Rue Blanche, je retiendrais celui-ci :

France Rousselle nous avait demandé de venir à tour de rôle, lire le texte que l’on avait choisi d’interpréter. Pour ma part, il s’agissait d’un monologue de la « Veuve » de Pierre Corneille. J’avais pris en considération ses recommandations, à savoir : simplicité et abnégation de toute volonté de faire. Pas de costume, pas de décor, pas d’effet. Juste une chaise et le texte. Ma seule résolution était celle de l’abandon dans ce moment d’intimité que j’allais partager avec les autres. Assise au centre de mes camarades, j’entamais ma lecture à haute voix comme si je découvrais le texte pour la première fois. J’étais bien loin de me douter du compliment que j’allais recevoir. L’émotion vint doucement à moi au fil de la lecture. Je m’efforçais de la retenir le plus possible. A ma très grande surprise, France Rousselle, qui passait pour une « dure à cuire » fondit en larme. Elle me couvrit de louanges dithyrambiques. Me surprendre moi-même à surprendre les autres était mon pour moi le plus beau cadeau du monde. Toucher le cœur des autres est une victoire pour tout comédien. Cet épisode m’a définitivement convaincu de la simplicité et de l’abandon avec lesquels il faut aborder tout personnage et tout texte.

Si je devais retenir le moment le plus drôle, et ils sont nombreux, j’évoquerais celui-ci :

On passait à tour de rôle nos scènes devant Gérard Lartigau. Je travaillais sur le rôle d’Eriphile dans « Iphigénie » de Racine (Mon auteur préféré). Je m’évertuai à trouver la sincérité dans la force d’une longue tirade qui m’emportait. Un peu trop, car tel un cheval emballé, je n’hésitais pas à répéter ‘Hé Quoi !!!’ ‘HEEEEEEEEEEEE QUOOOOOOOOOOI !’ ‘HHHHEEEEEEE QUOIIIII !’, tantôt en hurlant dans les aigus, tantôt dans les graves, oubliant que mes camarades pleuraient de rire à s’en tenir les côtes. Faisant abstraction de l’hilarité ambiante, je continuais dans ma lancée, persuadée que j’allais enfin découvrir la vérité de mon personnage. Mais, le fou rire finit par me gagner malgré tout et j’eu bien du mal à retrouver mon sérieux du début. Tout le monde y comprit moi, fut quitte d’une sacrée dose de rires. Excellent pour la santé.

J’ai bien envie d’évoquer également la fois où Jean-Marie Binoche nous avait demandé d’improviser des scénettes. Portant un des masques que J.M avait apporté, je m’étais déguisée en grosse campagnarde. Je l’avais entiché d’un énorme postérieur, d’une poitrine tombante, d’une sorte d’accent et d’une démarche assez peu séduisante. Tremblante de peur, j’avais l’impression de me jeter du haut de la falaise. Foutue pour foutue, je me suis lancée à fond dans mon délire et j’en fus finalement très contente et récompensée. Hilares, Jean-Marie et mes camarades me gratifièrent largement en me déclarant que la Marie-Christine avait disparut derrière son personnage. On m’avait oublié derrière cette campagnarde brave et paumée. Quel comédien ne rêve pas qu’on lui dise après sa prestation sur scène ou dans un film (‘Je ne t’ai pas reconnu’). Les ficelles de l’acteur disparaisse derrière le personnage bel et bien incarné et pourtant fictif.

Il est un fait maintenant, que je ne peux occulter : Je me désole de voir cette école tomber à l’abandon dés lors que je passe devant le 21 rue Blanche dans le 9éme à Paris. Les vitres en biseau ébréchées, et les pièces vides ne laissent pas supposer la vie inoubliable qui l’animait de l’intérieur. J’ai appris que l’endroit était devenu associatif après avoir été squatté pendant des années. Je ne comprends pas que ce lieu ne soit pas réhabilité en centre de coaching pour acteurs entre deux contrats de Tournage ou de Théâtre. Là est une des difficultés de ce métier : toujours être dans une dynamique de travail et de perfectionnement. Ce serait précieux et utile quand on voit la multitude de stage de qualité très inégale. Appréciable aussi quand on sort d’une longue période de travail où l’on est très encadré, voir même assisté. A la fin du contrat, on se retrouve livré à soi-même. Il faudrait travailler à ce que ce lieu chargé de sens et d’histoire continue de porter les talents actuels et à venir afin de les aider à prendre leur plein essor.

Marie-Christine Laurent

Promotion 91- 93

Comédienne et auteure d’un premier recueil de poésies illustrées « Loin d‘êtres Bêtes ». atlantica éditions.

Illustrations signées de Sophie Lucas/Bazin (Promotion scénographe 91/93 - ENSATT)

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 11:16

Le professeur qui m’a le plus marqué lors de mon passage à la « Rue Blanche » fut sans conteste Stuart Seide, qui y enseigna quelques années avant de rejoindre l’équipe pédagogique du Conservatoire puis la direction de grandes scènes publiques.

Stuart avait l’accent américain, et parlait en tripotant de la main les cheveux de sa tempe droite. Il faisait montre d’une rigueur qui allait parfois jusqu’à la maniaquerie. Les horaires de début et de fin de cours étaient respectés à la seconde près, et le ou la retardataire pouvait s’entendre dire « Ce cours est commencé depuis trente secondes. Tu peux rentrer chez toi ». Sa volonté de ne marquer de préférence pour aucun de ses élèves allait jusqu’à ne pas leur dire bonjour lorsqu’il les rencontrait en dehors de l’école. Mais ces défauts étaient également l’envers d’un grand respect pour les autres et par-dessus tout pour son travail, qu’il exerçait comme un apostolat.

Stuart traquait la facilité, la paresse intellectuelle, les conventions. Il interrompait les scènes en mimant un gyrophare et en répétant « Cliché ! cliché ! ». Parfois il terrorisait un élève en train de travailler en hurlant « NE JOUE PAS ! » (ce qui signifiait pour lui « je ne veux pas voir les ficelles de ton jeu »), puis, comme l’élève en question, terrifié, continuait sur un ton monocorde, il reprenait de plus belle « AMUSE-TOI !!! ». Plus ironiquement, il me disait « Armand, arrête avec tes Armandismes ».

Mais Stuart s’appliquait à lui-même la rigueur qu’il exigeait des autres. Ses cours étaient minutieusement préparés, il nous écoutait toujours avec concentration et précision et pouvait reprendre le lendemain un travail entamé la veille en nous parlant dans les moindres détails de notre prestation. Plus encore, il nous a un jour invités à assister à la Cartoucherie à des répétitions de courtes pièces de Beckett qu’il jouait sous la direction de Mario Gonzalez, où il a eu le courage de se montrer à nous aussi humble et appliqué qu’il exigeait que nous soyons avec lui.

Une grande leçon de ces trois mois de travail avec Stuart Seide a été de découvrir à quel point la contrainte est libératrice au théâtre, et le plaisir partagé avec le public à chacune des représentations des « Trois Sœurs » qui ont clos cet atelier sous sa direction, est resté dans la mémoire de tous ceux qui y ont participé.

Armand Eloi, élève de 1985 à 1988

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